mardi 22 avril 2008

Les Réseaux d’échange, pourquoi, comment?

Le concept de monnaie associative pointe le bout de son nez en 1994, dans un article que j'ai écrit sous le titre "Argent associatif, faites-le vous-même."
(
Vous pouvez me téléphoner au 04 68 29 40 89 pour recevoir une copie papier).
Cet article ne donnait pas la recette ou le mode d'emploi pour gérer un réseau d'échange associatif en bon père de famille. Voici quelques notions pratiques....


Les Réseaux d’échange, pourquoi, comment?



Pourquoi?
Parce que nous devons apprendre à gérer nous-même nos ressources, nos enthousiasmes, notre temps disponible. La gestion des unités est essentielle, ce sont nos premiers pas dans la gestion d'une monnaie associative. n'est-il pas puérile de protester de l'omniprésence des financiers mondiaux dans nos affaires?

Les modèles étrangers.

- Aux états-Unis nous avons le réseau “Ithaca Hours” fondé par Paul Glover en 1991. Son livre Home Town Money” est sous titré: Comment apporter la prospérité à votre communauté avec une monnaie locale. Aux États-Unis nous avons aussi les “Time Dollars” . Un Kit de démarrage est disponible avec présentation vidéo du fondateur Edgar Cahn.
- En Amérique latine nous trouvons la “Red Global”, le Réseau Global créé sur le modèle Ithaca et la “Tlaloc moneda” au Mexique
- En Suisse le "Cercle Wir" est créé en 1934 par deux artisans pour faire face à la crise économique. Une “banque Wir” émet des chèque à deux entrées pour payer en monnaie Wir et en francs suisses. Les 2/3 des petits artisans et commerçants suisses participent aujjourd'hui à ce système.
- En Bavière les monnaies alternatives comme le “Chiemgauer” fondé par “Christian Gelleri” en 2003, éclosent un peu partout (22 existent déja en 2007, 34 en projet). 600 magasins participent à ce réseau en 2007. Intéressantes pistes et articles sur le site mig76fr.wordpress.com/
En France, depuis 1994, les SELs sont calqués sur le principe des “LETS” anglais, les “Local Exchange trading Systems” créés par “Michael Linton” en 1982. Le premier SEL fondé en 1994 en Ariège, comprend prés de 1000 participants, 2 à 3 ans plus tard. Le niveau de vie des adhérents augmente et chacun y gagne aussi en dignité. Les échanges sont d’abord dopés comme dans toute société où l’on introduit une monnaie abondante. Les unités de valeur (quelque soit leur nom, grains, truffes, cailloux...,) mettent de l’huile dans les échanges et les relations. Puis au bout de 4 ou 5 ans, ce beau mécanisme commence à se gripper. Aujourd’hui le SEL de l’Ariège est passé à 30 partenaires. Pourquoi?

Qu’est-ce qu’une unité?
Les unités sont comme des tickets, des promesses de consommation. Alors qu’un ticket de bus permet seulement de consommer du bus, une unité de valeur dans un SEL permet de consommer n'importe quelle richesse ou service disponible dans le réseau. C’est un symbole de consommation universelle (comme n'importe quelle monnaie classique). Encore faut-il que les richesses soient là. S’il n’y a pas de bus au rendez-vous (en grève, trop peu nombreux, pas réparés ni remplacés, ou bloqués par un encombrement), on peut avoir pleins de tickets dans la poche, on est quand même obligé d’aller à pied. Dans un réseau d’échange, dans un SEL, c’est exactement la même situation. En effet, dans les SELs français la rèle est que les unités de consommation (les crédits) naissent des débits. C’est un peu ce qui se passe dans la société orthodoxe (de l’Euro ou du dollar) où ce sont les découverts et les prêts qui apportent des unités monétaires dans le système. Mais dans le système orthodoxe, ces prêts sont rigoureusement contrôlés. Toutes sortes de mesures de régulation, de garanties, de lois financières ou civiles, de tribunaux, de prisons sont mis en place pour permettre le retour des unités prêtées.
Par contre dans les SELs, les débits,les soldes négatifs sont autorisés et même encouragés. On est en face d’une destruction de richesse permanente (une salade consommée est une salade détruite). Les unités “négatives” représentent de la richesse réellement produite puis consommée et détruite.L’ennui, c’est que quelqu’un augmente son crédit en même temps. Il se met à accumuler des unités sur son compte. Il accumule des chiffres, des unités “positives” qui représentent un droit symbolique de consommation future

Pour avoir une ”photo” de ce qui se passe dans un SEL au bout de quelques années, groupons tous les débits (tous les soldes négatifs) d’un coté. On obtient une grosse masse de consommation donc de destruction de richesses. Du coté des soldes positifs, en exacte proposition, on obtient une belle addition de chiffres. Plus le réseau se développe plus ces masses grossissent. Les porteurs d’unités se retrouvent avec plein de chiffres positifs sur leur compte avec en face le groupe des consommateurs, et au milieu, de moins en moins de richesses disponibles.

La mort lente des SELs en France

Vous devinez la suite. Les possesseurs d’unités commencent à trouver que les services sont de plus en plus difficiles à obtenir. Leur enthousiasme à produire des biens et services, commence à s’émousser. Avec cet enthousiasme qui s’envole, c’est toute la richesses potentielle du réseau qui s’effrite. Ces “producteurs” suspendent leurs services en espérant d’abord consommer la richesse qu’autorisent leurs unités accumulées.
Ce processus d’essoufflement est difficile à repérer. Il est masqué d’une part, par l’arrivée de nouveaux adhérents “tout feu, tout flamme”. D’autre part, le temps de réaction est variable pour chacun. L’éternel méfiant s’arrête de produire quand il dispose de 500 unités tandis que l’éternel optimiste, peut s’arrêter de produire quand il atteint 40.000 unités. De leur coté, les personnes débitrices ne se mettent pas comme par enchantement à produire. Pour elles aussi, l’accès aux services se fait plus difficile. Elles hésitent à renouveler leur cotisation. Puis, quand elles sont exclues et rayées des listes pour défaut de paiement de cotisation, vexées par cette exclusion, elles ne pensent évidement plus à leur dette vis à vis du réseau.
Dans les petits SELs,(de 30 à 50 participants) les échanges se font “à la bonne franquette” et sont très peu comptabilisés. Il n’y a évidement que très peu de création d’unités et l’équilibre entre création d’unités et création de richesses n’est pratiquement pas menacé.

Depuis 2004 (première version de ce texte) certains SELs commencent à limiter les débits. Il faudra peut-être encore un peu de temps pour que tous admettent que les SELs orthodoxes c’est à dire toujours fidèles au modéle ”LETS”, ressemblent à une machine à transformer de la richesse en unités de plus en plus dévaluées. En comprenant ce lent et inéluctable mécanisme d’autodestruction nous pourrons désamorcer cette bombe à retardement qui fait sauter les SELs.

Apprenons à contrôler l’émission des unités.

Ces unités de consommation devront évidement être émises parallèlement à la production des richesses et non pas parallèlement à leur destruction.
Puisque qu’il y a trop d’unités SEL en circulation en France, ne continuons pas à en créer encore plus, supprimons d’abord les débits. Si l’équilibre richesses-unités redevient normal, on pourra à nouveau autoriser l’injection d’unités dans le système.
Soit en réintroduisant prudemment les débits (qui est une méthode de création d'unité très valable si elle est ajustée à la montée des richesses disponibles) ou par d’autres méthodes de création d’unités, comme celles qui ont fait leurs preuves dans le réseau Ithaca (prêts gratuits, bourses accordées à des associations caritatives qui apportent une richesse sociale depuis longtemps, crédits individuels accordés en échange du maintien d’un service essentiel pour une durée de plusieurs mois). L’ajustement des unités injectées dans le réseau peut être réglé par un mécanisme déja utilisé dans le réseau Ithaca. Une petite visite à “Ithaca Money” (au nord de New York) ne serait pas du luxe.

Quelques suggestions pour améliorer les SELs

1) Décider de supprimer les soldes négatifs, puis procéder à des injections prudentes d’unités dans le système proportionnellement à l’augmentation de la richesse collective.

2) Trouver un mode de gestion simplifié
. Bien distinguer les principales fonctions d’un réseau d’échange, peut nous aider à y voir plus clair:
a) La comptabilité des unités.
Attribuer à chaque partenaire un carnet de compte individuel. Ce carnet permet de mettre l’individu au centre et les comptes sont tenus en temps réel. Il n’y a plus d’excuse pour passer en solde négatif. Deuxième avantage: sans centre comptable, il n’y a plus de frontières entre les différents réseaux. Les amoureux de la bureaucratie se reconvertissent en gentils contrôleurs de carnets dans les bourses d’échange (Il faut en effet responsabiliser chacun, l’inviter à remplir correctement son carnet et chasser le dilettantisme). Chacun peut alors échanger avec un autre partenaire à l’autre bout de la France ou du monde, muni d’un carnet de compte semblable.

b) La gestion des cotisations associatives, les C.A. les assemblées générales...peuvent aussi être supprimées si l’on supprime le statut d’association et les adhésions qui vont avec. On fait rentrer l’argent nécessaire à la publication du bulletin de liaison en vendant ce bulletin au numéro, en Euros ou en finançant ce bulletin par des annonces (comme à Ithaca), il est accessible à tous comme tout journal local, dans les biocoop et en libre participation comme en Suisse..

c) La publication du bulletin de liaison local
ou des annuaires ou catalogues de services (les offres et demandes; intérêts, projets..) peut être assurée par une seule personne compétente ou une équipe restreinte comme le comité de rédaction de n’importe quel journal. Ce bulletin de liaison est géré en Euros, avec un simple statut associatif. Les échanges sont stimulés si les annonces de nos bulletins de liaison sont assez séduisantes pour nous donner envie de nous rencontrer.

d) L’organisation des rencontres
ou marchés ou chantiers collectifs ouverts à tous est confiée à un organisateur de rencontres compétent. Avec fréquence mensuelle, dates et lieux faciles à retenir et connues de tous, elles regroupent sur 3-4 heures ou une journée: un marché, un repas avec panier tiré du sac, une présentation et un débat sur les projets futurs. Chacun peut ainsi trouver une motivation pour venir à la fête.

2 commentaires:

christian/bhim a dit…

Je te remercie Daniel pour la richesse de tous ces articles, ils me permettent d'élargir ma compréhension et m'ouvrent à des possibles réalistes et mures.

Je relance actuellement le JEU dans le 36 avec des amis et tes éclairages vont certainement contribuer au bon fonctionnement de cette aventure.

Merci, encore.

tanou a dit…

Bonjour
Vos aricles m'eclairent sur les fonctionnements de ce types de money. Je suis tres interressé par le JEU mais j'ai l'impression qu'il est tres facile de trucquer son carnet.
Bien sur la confiance est le ciment de ce type de money mais alors comment pouvons nous echanger en confiance avec des gens que nous ne connaissons pas et qui font parti du JEU.
merci pour vos eclaircissemts.
Sinon connaissez vous les opens money? Si oui pouvez vous nous en parler.
merci